Récits de soins ordinaires aux frontières de deux réalités

10 novembre 2022


Les soins que nous offrons sont des plus simples. Ils n’ont rien d’héroïques. Accueillir une famille migrante sans carte d’assurance maladie, dialoguer avec un parent et son enfant fiévreux, observer la respiration d’un bébé qui tousse, écouter un aîné ayant de la difficulté à marcher, encourager une jeune maman et sa fille malade, dessiner pour mettre en commun nos connaissances, prescrire une radiographie ou des antibiotiques aux bananes.

Les patients qui me consultent sont brillants et informés : ils ont observé les signes et les symptômes, mis en ordre leur récit, soupesé attentivement la nécessité ou non de consulter, déjà mis en place l’essentiel du plan de traitement.

Un papa immigrant me dit qu’avec l’expérience des rhumes de ses enfants, il est devenu un « demi-docteur ». Et il a raison.

Or, il consulte faute de n’avoir pu trouver d’acétaminophène (Tylenol) en pharmacie, pour cause de pénurie.

J’ai parfois le sentiment de vivre dans deux réalités parallèles. D’une part, celle du discours politique et médiatique où les crises des urgences et du système de santé en appellent à toujours plus d’investissements coûteux vers les hôpitaux et la technologie.

D’autre part, la réalité des soins ordinaires vécus dans ma communauté. Un monde où les soins les plus simples, les moins coûteux et les plus essentiels – accueillir, écouter, prendre le temps, rassurer, conseiller – sont offerts non seulement par des professionnels de la santé, mais surtout par les patients eux-mêmes, les parents, les grands-parents et les citoyens.

Des 50 personnes que nous avons rencontrées en fin de semaine, aucune n’a eu besoin de se rendre aux urgences. Les plages de notre sans rendez-vous se sont remplies en quelques minutes. Combien de citoyens n’ont pas pu entrer ? Pourquoi est-il impossible de trouver de l’acétaminophène dans plusieurs pharmacies communautaires alors qu’il s’agit du traitement le plus sécuritaire et le moins coûteux pour le soulagement de la fièvre et de la douleur ? Pourquoi les soins les plus simples sont-ils les plus difficiles à trouver ?

Source: La presse


Écouter l’entrevue radio de quelques minutes donnée avec Philippe-Vincent Foisy.

Source: qub radio