La mort est pourtant l’affaire de tous – Ressources en soins palliatifs

25 janvier 2023
Dre Marie-Hélène Marchand

Tout d’abord, mes plus sincères condoléances aux membres de la famille Bourassa. Je tiens aussi à les remercier de leur courage, celui de lever le drapeau rouge sur une situation à décrier : le manque d’accès aux soins palliatifs.

Il semble que personne ne sortira de cette vie « vivant » et pourtant, le système de santé n’a pas été pensé pour accueillir la mort autant qu’il a été construit pour réanimer et sauver des vies. Évidemment, je célèbre, comme nous tous, un système veillant à prolonger nos vies en santé. Mais, considérant que la mort nous attend tous, n’est-ce pas surprenant que si peu de ressources soient attribuées aux soins palliatifs ? Entendons-nous, palliatifs, non en opposition aux actes à visées curatives, mais plutôt comme une bonne amie qui sait nous accompagner tout au long du continuum de soins et qui déploie son sens quand la maladie ne peut plus être guérie.

Abordons en premier lieu la situation des soins palliatifs en établissement (ex. : dans les hôpitaux) et en maison de soins palliatifs. Toutes ressources confondues, au Québec, nous avons seulement 23 lits pour 500 000 habitants. Pour se comparer, prenons l’exemple de l’Australie qui a en 33 et le Royaume-Uni, 54…⁠1

Ces statistiques bien décevantes et bien en deçà des besoins (rappelons-nous le vieillissement de la population et le fait que la mort n’épargne personne…) nous obligent à établir des critères d’admission assez stricts.

Par exemple, la plupart des ressources en soins palliatifs nécessitent un pronostic vital estimé à moins de trois mois (lire le temps de vie que les médecins estiment qu’il vous reste). Ce critère, utilisé bien rigidement faute de ressources, est souvent très difficile à appliquer. Bien qu’en médecine, nous aimions souvent jouer aux dieux, ici, la nature reprend ses droits et nous montre souvent que notre science ne fait pas le poids devant l’histoire du mourant qui se déroule devant nous. Bref, estimer un pronostic est ardu et beaucoup ne tirent pas le bon numéro à la loterie de l’admission en soins palliatifs.

Cela nous mène donc à la solution numéro un : augmenter le nombre de lits en soins palliatifs ET prévoir des critères d’admission moins restrictifs.

Soyons inclusifs parce que la mort, elle, l’est. Simple à énoncer, j’en conviens, mais ne faut-il pas commencer quelque part et rêver qu’on y alloue enfin quelques dollars ?

Soins palliatifs à domicile

Abordons maintenant la situation des soins palliatifs à domicile. Les statistiques sont ici encore parlantes. Bien qu’une grande majorité des gens souhaitent décéder à la maison, moins de 10 % y arrivent…⁠2

Cela nous mène à la solution numéro deux : miser sur les soins à domicile. Je veux dire maintenant et massivement, pas seulement le temps d’un mandat. Pendant que le gouvernement met le paquet pour que tous les médecins fassent du bureau, devant une pénurie flagrante de ressources, qui ira soigner nos malades en perte d’autonomie ne pouvant mettre un pied dehors pour se rendre à la clinique ? Bien logiquement, ces patients seront contraints d’aller aux urgences en ambulance pour un rien. Il est donc urgent de répartir les ressources médicales, au minimum de manière égale, entre la population encore sur pied tout comme pour celle alitée.

J’en profite pour faire un ricochet sur la situation du nombre de médecins œuvrant en soins palliatifs au Québec.

Imaginez-vous que pour l’entièreté du Québec, selon un sondage à l’interne de la Société québécoise des médecins en soins palliatifs, seulement 50 médecins font des soins palliatifs à temps plein et que 200 médecins en font de manière occasionnelle.

De plus, nous formons chaque année des résidents de spécialité en soins palliatifs et ces derniers trouvent difficilement des postes en raison des contraintes gouvernementales. Avec ce trop petit nombre, c’est impossible de combler les besoins des patients, c’est aussi impossible d’assurer un enseignement à ceux inconfortables avec l’accompagnement des mourants.

Cela nous mène à la solution numéro trois. Considérer la mort comme une avenue inévitable pourrait être un moteur à une refonte de la formation aux soignants. Pourquoi ne pas inclure l’enseignement des soins palliatifs très tôt et l’incruster dans chacune des matières étudiées et cela tout au long du parcours éducatif des travailleurs de la santé ? La mort est l’affaire de tous, pas que des professionnels en soins palliatifs.

À nous, comme futur mourant, de prendre notre courage d’être humain pour visualiser notre fin et celle de nos proches afin de discuter de leurs volontés et des nôtres dès maintenant, ce soir.

La notion vitale de permettre une fin de vie digne est une question individuelle certes, mais ne nous trompons pas, c’est aussi une question politique d’allocation des ressources.

1. Consulter le document de l’INSPQ sur les soins palliatifs de fin de vie au Québec

2. Consulter le document de l’INSPQ sur les indicateurs de soins palliatifs

 

Source : La Presse