(Photo: Pierre Longtin Photographe.)
Désengorger les urgences grâce à l’innovation
Dès le début de sa pratique comme médecin d’urgence à l’Hôpital du Sacré-Cœur de Montréal (HSCM), en 2002, le Dr Alexandre Messier a fait du désengorgement de l’urgence son cheval de bataille. Il a mis en place trois projets novateurs au sein du centre hospitalier qui font leurs preuves chaque jour.
Après avoir exercé la médecine à temps plein pendant dix ans, le Dr Messier a mis sur pied son premier projet, l’Accès 24 h, à l’HSCM, en 2012. « J’ai été coordinateur à l’urgence, mais aussi sur les étages de soins, et ¸a m’a permis d’être confronté aux problèmes de l’hôpital, dont l’engorgement de l’urgence: j’ai donc voulu trouver une solution », explique le médecin.
L’accès 24 h permet aux patients qui visitent l’urgence et doivent y passer la nuit en attendant de voir un spécialiste de retourner dormir à la maison si cela est sécuritaire pour eux. Ainsi, l’urgentologue peut autoriser le départ de certains patients en leur assurant un suivi le lendemain. Résultat : des civières libérées. En effet, depuis 2012, environ 600 patients bénéficient chaque année du programme et chacun d’entre eux réduit son séjour à l’urgence de 12 à 24 heures.
« Ce projet m’a permis d’acquérir de l’expexpérience. Quand on a la chance de mettre un projet sur pied et que l’on voit un rrésultat concret sur le terrain, on veut toujours aller plus loin pour trouver d’autres solutions à d’autres problèmes », précise le Dr Alexandre Messier.
C’est ainsi que l’urgentologue a pu implanter un deuxième projet à l’HSCM. En 2014, la direction de l’hôpital lui a demandé d’analyser le potentiel d’un service appelé « l’Accueil clinique », qui avait déjà été déployé dans certains centres hospitaliers de la province. Le concept permet à un médecin de famille de GMF qui demande une prise en charge intrahospitalière rapide de son patient de rediriger ce dernier vers l’Accueil clinique de l’hôpital plutôt que de lui demander de se rendre à l’urgence pour recommencer le processus avec un urgentologue. À l’accueil clinque, le patient est accueilli par une infirmière qui lui fait passer les tests prévus par les algorithmes pré-établis, une échographie ou une radiographie, par exemple. On demandera par la suite une consultation en spécialité, si nécessaire.
« La culture du changement est difficile dans un milieu stressant comme l’urgence, où il n’y a pas de place pour l’erreur, d’où l’importance de rassurer ceux qui seront concernés. »
Le Dr Messier est allé visiter les cliniques médicales près de l’HSCM afin de parler du projet aux équipes en place. Il a été heureux de l’accueil des autres médecins, même s’il reconnaît que, parfois, implanter de nouveaux projets peut susciter une certaine réticence. « La réticence au changement, c’est quelque chose d’humain. La culture du changement est difficile dans un milieu stressant comme l’urgence, où il n’y a pas de place pour l’erreur, d’où l’importance de rassurer ceux qui seront concernés. »
Le médecin explique aussi qu’il est important de croire en ses projets pour les réaliser. « La première étape en innovation, c’est de répondre à un besoin et, ensuite, de trouver une solution avec un processus simple. Il faut aussi être prêt à surmonter des difficultés, car il y en aura toujours. »
L’Accueil clinique a permis de faire un lien entre la première ligne et l’hôpital, un lien souvent difficile à faire, reconnaît le Dr Messier. Les résultats parlent toutefois d’eux-mêmes : près de 3 400 patients sont traités chaque année à l’Accueil clinique de l’HSCM, des patients qui, sans le projet, auraient été dirigés vers l’urgence. En 2016, le CIUSSS du Nord-de-l’Île-de-Montréal a mandaté le médecin de reproduire le modèle à l’Hôpital Fleury et à l’Hôpital Jean-Talon.
« Réorientation »
En réponse à un manque de projets de réorientation à la fois sécuritaires et ayant un impact sur l’engorgement des urgences, le Dr Messier a réalisé en 2015 un troisième projet novateur à l’HSCM. Ce projet, appelé « Réorientation », s’étend aujourd’hui à sept hôpitaux. Il s’agit de son plus gros projet jusqu’à présent.
Cette solution technologique permet aux infirmières du triage de réorienter les patients dont l’état ne nécessite pas de prise en charge à l’urgence vers une clinique à la périphérie de l’hôpital. Elle comprend plus de 50 raisons de consultations courantes non urgentes, comme les verrues, les poux ou les rhumes. L’infirmière peut ainsi, en quelques clics, faire l’évaluation du patient et prendre un rendez-vous pour lui dans l’une des cliniques participantes environnantes.
Afin d’évaluer cette initiative, un groupe de chercheurs indépendants du centre de recherche en médecine d’urgence de l’HSCM a réalisé en 2017 une étude auprès de 1 000 patients participants sur une période de six mois. Résultat : 95 % des patients qui ont été réorientés pensent que ce programme devrait être utilisé partout au Québec. « Cette statistique est vraiment ce qui me motive à continuer », confie le Dr Alexandre Messier.
Article de Justine Montminy
Source: Professionsante.ca